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12. XXème siècle * 1944-2000

par Danielle MATHIEU-BOUILLON

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Le Théâtre national de la Colline, fondé en 1987 sous la direction de Jorge Lavelli. * Photo Laurencine Lot

On dit la crise endémique ;  après-guerre pourtant, les salles vont se multiplier. De nouveaux petits lieux, véritables creusets de renouvellement du répertoire dramatique, vont s’installer, notamment sur la Rive-Gauche. Le Théâtre de Poche-Montparnasse, qui voit les débuts de Jean Vilar, le Théâtre de  la Huchette, à la construction duquel participe l’actif animateur et metteur en scène Georges Vitaly, et dont La Cantatrice chauve de Ionesco est à l’affiche depuis quelque 60 ans, sans que se démente son succès quotidien. D’autres ne sont plus que souvenirs : Les  Noctambules, qui vit le triomphe de Gérard Philipe et Maria Casarès dans la pièce de Henri Pichette, Les Épiphanies, le Babylone où fut créé En attendant Godot de Beckett, le Théâtre de Lutèce où tant d’œuvres majeures furent révélées au public.

En 1951, Jean Vilar est nommé Directeur du Théâtre du Palais de Chaillot (construit en 1937 à l’emplacement de l’ancien Trocadéro) pour lequel, fidèle au rêve de Firmin Gémier, il reprend le nom de Théâtre National Populaire.

Jeanne Laurent d’abord, depuis le Secrétariat d’Etat à la Culture auprès du Ministre de l’Éducation Nationale, puis André Malraux, le visionnaire, premier d’une lignée de Ministres de la Culture engendrée par la Vème République, donnent naissance, dans la France entière, à toute une série de théâtres subventionnés qui ne cesse de croître jusqu’à la fin du siècle.

Avec le temps, de petites scènes disparaissent tandis que d’autres naissent. Véritables phénomènes de sociétés, ces petites salles, souvent ouvertes dans des lieux inattendus, s’implantent aussi dans des quartiers excentrés dans lesquels le public est à créer.

Bernard da Costa invente le  Café-Théâtre au début des années 60. En 1964, face à cette concurrence, les Théâtres Privés – « privés de subventions ! »– grâce à l’énergie de quelques hommes, Denis Maurey, Directeur du Théâtre des Variétés et actif Président du Syndicat des Directeurs, Etienne Biasini pour le Ministère, avec l’aide de la Ville de Paris, créent l’Association pour le Soutien du Théâtre Privé, qui deviendra une sorte de clef de voûte de la profession, permettant aux théâtres privés, de multiplier les actions et leur mission de création d’œuvres nouvelles.
L’Elysée-Montmartre puis la Gare d’Orsay, avant de devenir un Musée, abritent un instant les rêves de Jean-Louis Barrault, chassé de l’Odéon par les événements de 1968.  Il transformera plus tard l’ancien Palais de Glace des Champs-Élysées en Théâtre du Rond-Point.

Missionné par la Ville de Paris, Jean Mercure, installe son nouveau concept de Théâtre de la Ville dans les murs du Théâtre Sarah-Bernhardt.
Dans les années 70, une surprenante expérience, confirmée par le succès,  conduit Ariane Mnouchkine à planter ses tréteaux du Théâtre du Soleil dans  les bâtiments de l’ancienne Cartoucherie du bois de Vincennes.

Peter Brook s’installe en 1974 dans une salle à l’italienne oubliée et dégradée par le temps : le Théâtre des Bouffes du Nord. Au milieu des années 1970, un grand chantier de rénovation des Théâtres privés est entrepris grâce à un emprunt à la Caisse des Dépôts et consignations, par l’intermédiaire de l’Association pour le soutien des théâtres privés et avec la garantie de la Ville de Paris. Il va permettre à plusieurs théâtres d’engager des dépenses importantes pour la remise en état de ces lieux historiques.

Le talent et l’obstination de Guy Rétoré permettent deux constructions majeures dans le désert culturel du XXème arrondissement, celle du  TEP puis celle, plus récente et très réussie du Théâtre National de la Colline.

La Ville de Paris instaure des théâtres d’Arrondissements, le Théâtre 14 Jean-Marie Serreau, le Théâtre 13.
Silvia Monfort incite la Mairie de Paris à construire, souvenir en dur du Chapiteau des Tréteaux de France de Jean Danet, un Théâtre original dans le parc du XVème arrondissement dédié à Georges Brassens.
Plus près de nous, le Théâtre de la Ville  est doté par la municipalité d’une nouvelle petite salle nichée sur la Butte Montmartre, le Théâtre des Abbesses, après avoir redonné vie à un théâtre de l’époque révolutionnaire, le théâtre Molière, devenu Maison de la Poésie.
On le voit, la densité de la Capitale permet peu l’édifications de nouvelles salles de spectacle.

Il convient toutefois de citer, parmi les derniers chantiers de la République, la construction d’un gigantesque Opéra Populaire, à l’architecture discutée Place de la Bastille, et la troisième  salle de la Comédie-Française, Petit Studio-Théâtre, dans le cadre du Grand Louvre.

En dépit des crises successives, le théâtre demeure vivant. En 1998, on dénombrait dans 117 Théâtres, 148 salles fonctionnant selon des systèmes différents :

  • Théâtres Nationaux : (Comédie-Française – Théâtre National de l’Odéon – Théâtre National de Chaillot – Théâtre National de la Colline)

  • Théâtres Municipaux  (Théâtre de la Ville – Théâtre du Châtelet – Théâtre Mouffetard – Théâtre 13 – Théâtre 14-Jean-Marie Serreau – Théâtre Silvia Monfort – Vingtième Théâtre)

  • Théâtres subventionnés par la Ville et l’Etat (Théâtre du Rond-Point – Théâtre des Bouffes du Nord…)

  • Théâtres subventionnés pour la diffusion  (Théâtre de l’Athénée – Théâtre de la Bastille…)

  • Théâtres de compagnies subventionnées (Théâtre du Soleil – Théâtre de la Tempête….)

  • Théâtres Privés de Paris adhérents à l’ASTP et au Syndicat des Directeurs des Théâtres Privés de Paris : plus de cinquante salles, du Théâtre du Palais Royal au Théâtre de Poche, du Théâtre La Bruyère au Théâtre Antoine, du Théâtre Marigny au Théâtre Saint-Georges, du Théâtre Montparnasse au Mélo d’Amélie…

  • Autres Théâtres privées : (Déjazet – Théâtre du Temple…)

  • Petites salles

  • Cafés Théâtres

  • Autres lieux ponctuels…

Aujourd’hui, si l’on ajoute les espaces divers et autres petites salles, il semble que le chiffre de 200 salles de spectacle dramatique soit dépassé. Hormis quelques initiatives de prospection de public comme celle lancée par le Fonds de Soutien des Théâtres Privés en 1977, Interspectacles, ou celle lancée en 1990 à l’initiative de la Mairie de Paris « Prenez une place, venez à deux », il apparaît que c’est bien la fréquentation du public qui pose problème. Dans une capitale de 2.300.000 habitants, on peut se demander si le coefficient d’un théâtre pour 10.000 habitants n’est pas surestimé.

Bibliographie :

*Paris et ses Théâtres architecture et décor Textes réunis par Béatrice de Andia (Collection Paris et son Patrimoine DAAVP-1998)
*Les Théâtres de Paris de Geneviève Latour et Florence Claval (DDAV 1991)
*Histoire du Théâtre de André Degaine (Nizet 1992)
*Les Théâtres parisiens disparus de Philippe Chauveau (Editions l’Amandier-1999)
*Les Théâtres, 4 siècles d’architectures et d’histoires de Pierre Pougnaud (Editions du Moniteur – 1980)
* Théâtres des Champs-Elysées 1913-1963 (chez Olivier Perrin Editeur -1963)
* La Comédie-Française de Patrick Devaux (Editions Que sais-je ? P.U.F 1993)
* Théâtre du Vieux-Colombier de Marie-Françoise Christout, Noëlle Guibert, Danièle Pauly ( Norma – 1993)
* Athénée Théâtre Louis-Jouvet de Colette Godard-Noëlle Guibert – Jean-Paul Midant – Paul-Louis Mignon (Norma Editions – 1996)
*Jean Mercure, un théâtre dans la ville de Paul-Louis Mignon (Paris-Bibliothèque Editions 2002)
* Les Lieux scéniques en France 1980-1995 de Jean Chollet et Marcel Freydefont ( Editions AS Scéno + 1996)

Iconographie :

Fonds de l’Association de la Régie Théâtrale et de la Bibliothèque historique de la ville de Paris.