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Cyrano de Paris

par Serge BOUILLON

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Serge Bouillon, Président de l'A.R.T (1973-1982)

Né le 6 mars 1619, Savinien de Cyrano enorgueillit durablement la Commune de Bergerac, dont le nom, accolé au sien, fit le tour du monde.

L’été 1997 même, alors que Bergerac célébrait le centenaire de l’oeuvre d’Edmond Rostand, sa représentation « in situ » fut annoncée par un médiatique et tonitruant : « Cyrano, enfin chez lui ! » Et les foules compactes, émues et enthousiastes, d’applaudir le triomphal retour au bercail.

Rostand l’avait pourtant dit : la terre dont son héros a choisi de porter le nom ne doit rien à la Gascogne, mais tout à un lopin de terre francilienne, près de Chevreuse, acquise par son grand-père en 1582 et revendue par son père en 1636.

Cyrano était parisien.
Il naquit trois ans avant Molière, dans ce même quartier Saint-Eustache où, peut-être, ils partagèrent leurs jeux.
Cependant, Henry Le Bret fut son ami et son biographe.

Pour défendre Lignière, Cyrano se battit seul contre une foule de coupe-jarrets, en tua deux, en blessa sept et mit les autres en fuite.  Il servit dans la compagnie de Carbon de Castel-Jaloux et, gendarme du Prince de Conti, assiégea Arras tenue par les Espagnols.
Il tira mille fois l’épée pour demander raison des lazzis que lui attirait son considérable appendice nasal.

Esprit brillant et libre aux saillies irrésistibles, il fut avec Molière, Chapelle, Lamothe, Le Voyer, Bernier et Hesnart, l’élève de Gassendi, et, comme son maître, plus tenté par la cosmologie de Copernic que par le géocentrisme de Ptolémée.

En dépit – et peut-être en raison – de l’abjuration qui, quelques années plus tôt en 1633, fut imposée pour le même choix à Galilée, il écrivit : Le Voyage dans la Lune  puis  Le Voyage dans le Soleil.

Fantastiques autant que fantaisistes voyages, mais qui affirment, non sans risque, son adhésion aux théories de Copernic et de Galilée.

Poète, libertin burlesque ou précieux, Cyrano s’en prit à tous les dogmes et à tous les conformismes.
Il semble que Racine se soit souvenu dans Britannicus de son « Agrippine ».

Ses laudateurs revendiquent pour lui l’invention de la montgolfière et celle du parachute : « Remplissant de fumée de grands vases, il se les attache sous les aisselles » ; « la fumée, plus légère que l’air tend à s’élever et pousse en haut les globes de métal » … Il escompte aussi « le vent engouffré sous sa jupe pour atterrir plus doucement ».

Un soir qu’il rentrait chez lui, il reçut – fut-elle jetée délibérément ? – une poutre de bois sur la tête, peut-être après une visite à sa cousine Madeleine Robineau, retirée au Couvent des Filles de la Croix, (situé dans notre actuelle rue de Charonne à la hauteur des N° 94 à 98) dont Catherine de Cyrano, tante de Savinien était alors prieure.

Il en mourut peu après le 28 juillet 1655, chez son cousin Pierre de Cyrano, dans sa 37ème année et fut enterré dans la commune de Sannois qui en conserve la mention dans ses registres d’état civil.

Du nom de Bergerac à la sonorité gasconne, il signa pourtant toutes ses œuvres.

Il fournit à Edmond Rostand le sujet de sa pièce la plus populaire dans le monde entier et dont le premier acte s’ouvre sur le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne.