En 1946, les metteurs en scène, sous la direction de Gaston Baty créent un syndicat pour préserver la propriété intellectuelle de leurs mises en scène.
L’A.R.T. entreprend une négociation avec notamment Raymond Rouleau et André Barsacq, qui donnent l’exemple à leurs confrères en déposant personnellement leurs mises en scène à l’Association.
Ces mises en scènes désormais déposées ne peuvent être communiquées sans autorisation de leur auteur.
Cette règle est toujours en vigueur en ce début du XXIème siècle.
La protection sociale avançant à grands pas en ces années d’après-guerre, c’est la Bibliothèque qui devient l’activité principale de l’Association. Des galas sont organisés, des prêts à des expositions prestigieuses élargissent son champ d’action, mais ses ressources restent insuffisantes.
Charles Valster, élu à la présidence en 1951, invite le ministre André Cornu à présider un grand gala de bienfaisance en 1952 à Mogador et obtient une subvention. La situation reste inconfortable puisque la subvention est, par nature, aléatoire. En 1946, les metteurs en scène, sous la direction de Gaston Baty, créent un syndicat pour préserver la propriété intellectuelle de leurs mises en scène. L’A.R.T. entreprend une négociation avec notamment Raymond Rouleau et André Barsacq qui donnent l’exemple à leurs confrères en déposant personnellement leurs mises en scène à l’Association.
À la mort de Charles Valster, Gabriel Daniel Vierge est élu en 1955 à la présidence et met au point une méthode pour l’établissement rationnel des relevés de mise en scène et tente un rayonnement à même d’engranger les finances nécessaires à l’action de l’association. Très lettré, ancien élève du conservatoire, il poursuit le développement culturel de la bibliothèque en la faisant mieux connaître, parmi les groupements littéraires, tant en France qu’à l’étranger. Frappé d’une longue et douloureuse maladie il meurt en avril 1958, alors qu’aucun membre ne se sent en mesure d’accepter la présidence.
Depuis 1951, alors qu’il travaillait au cabinet du ministère des Beaux arts, Jacques-Louis Antériou était régisseur d’honneur de l’Association. C’est donc vers cet homme cultivé et entreprenant que les régisseurs se tournent en 1958 pour prendre la tête de l’Association qu’il présidera jusqu’en 1973
La Présidence de Jacques Louis Antériou 1958-1974
Ses relations dans le monde culturel permettent l’organisation de conférences. On élit de prestigieux régisseurs d’honneur qui vont devenir les membres du prix du Brigadier instauré en 1960. Parmi eux, A.M. Julien, Jean-Jacques Gautier, Pierre Fresnay, Paul Belmondo, André Roussin, Marcel Achard.
Création d’une association, « Les Amis de la Bibliothèque de l’A.R.T. », qui vont aider financièrement l’organisation de ces manifestations.
En 1960, le premier Brigadier couronne « Château en Suède » de Françoise Sagan créé au théâtre de l’Atelier dans une mise en scène d’André Barsacq.
Il est remis au restaurant du Petit Pont.
En 1961, c’est le duo magistral de Pierre Brasseur et Maria Casarès qui est salué pour Cher Menteur du dramaturge américain Jérôme Kilty.
Les Amis de la Bibliothèque de l’A.R.T. apportent leur soutien à ces manifestations dont les réunions du Jury, puis les remises de prix se déroulent au gré des possibilités dans des Ambassades, des hôtels particuliers, voire des restaurants parisiens. Il est intéressant de constater l’option résolument novatrice du Jury alors qu’y siègent des académiciens, puisque 1962 verra le sacre de Mon Faust de Paul Valéry avec Pierre Dux et Pierre Fresnay dans la mise en scène de Pierre Franck à l’Œuvre. 1963 récompensera le mime Marcel Marceau pour son spectacle au Théâtre de la Renaissance, tandis qu’en 1964, c’est le décorateur Jacques Dupont qui sera honoré pour son décor de Un mois à la campagne de Tourgueniev au Théâtre de l’Atelier dans une mise en scène d’André Barsacq, avec la sublime Delphine Seyrig qui parvient à la notoriété. Pierre Dux et le sculpteur Paul Belmondo rejoignent le Jury.
En 1966, c’est dans la mise en scène de Jean-Marie-Serreau de La Soif et la faim à la Comédie-Française qu’Eugène Ionesco, auteur s’il en est de l’absurde, reçoit à son tour le Brigadier.
En 1967, le Jury salue une jeune équipe conduite par une jeune et brillante animatrice-metteur en scène, Ariane Mnouchkine, qui créée l’événement avec La Cuisine d’Arnold Wesker montée au cirque Medrano. En 1968, tandis que beaucoup de choses se délitent dans la capitale, René-Nicolas Ehni est salué pour la création de sa pièce Que ferez-vous en novembre ?
Le Prix du Brigadier qui récompense l’événement théâtral de la saison a conquis ses lettres de noblesse. Cependant, malgré les efforts du Conseil d’Administration, la gestion de la Bibliothèque s’avère de plus en plus difficile.
Les financements sont insuffisants et la rue Laffitte malgré toute l’ingéniosité de la fidèle Mademoiselle Ducoin «ressemble plus à un bric-à-brac de bouquiniste qu’à une bibliothèque institutionnelle».
Conscient à la fois de la richesse de ses collections et de l’insuffisance de ressources de l’A.R.T., qui lui permettent à peine de payer le loyer de la rue Laffitte, le Conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal se propose de faire supprimer la plus que modeste subvention qui lui est attribuée par l’Etat et de récupérer l’ensemble de ses biens au profit du département Spectacle de la Bibliothèque Nationale.
Les héritiers des fondateurs, peu enclins à voir tomber en des mains d’archivistes les souvenirs vivants de l’art qu’ils servaient passionnément se tournent alors, à l’initiative de Jacques-Louis Antériou, Serge Bouillon et Roger Lauran, et avec l’aide de Maître Aujol, avocat de l’Association, vers la Ville de Paris à qui ils demandent hébergement, protection et possibilité de poursuivre leur quête d’une documentation qui témoigne de leur art et qu’ils s’efforcent, mieux que personne, de faire vivre et d’enrichir au fil des ans.
Après un an de négociations menées sous l’autorité de Clovis Eyraud, la convention passée entre Jacques-Louis Antériou et le Préfet de Paris Marcel Diebolt est ratifiée.
En 1969, l’A.R.T. quitte son siège devenu trop exigu rue Laffitte. La Ville de Paris lui garantit une totale indépendance et l’accueille rue Pavée avec toutes ses collections au sein de la Bibliothèque historique.
La transition entre l’appartement de la rue Laffitte et le magnifique Hôtel d’Angoulême Lamoignon va marquer un temps de pause pour l’extériorisation de l’Association qui se manifestera essentiellement par la remise régulière du Prix du Brigadier. Le nouvel aménagement des collections au sein de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris requiert du temps. La fidèle agent général, Mademoiselle Ducoin, prend assez vite possession du bureau mis à la disposition de l’association. Une organisation de casiers verts et de rayonnages en métal va permettre aux souvenirs divers et précieux de s’exposer aux visiteurs.
Le conservateur en chef Monsieur de Saint-Rémy définit le début du classement des collections qui vont être réparties dans plusieurs secteurs de la Bibliothèque :
– tout ce qui est édité : livres, publications, revues, programmes divers, au deuxième sous-sol,
– les originaux : conduites de mises en scène dramatiques et lyriques, photographies, dossiers de presse, autographes au 3ème étage,
– les affiches au département réservé à cet effet au-dessus de la salle des commissions.
Pour ce qui est des mises en scènes postérieures à 1946 qui demeurent sous le seul contrôle de l’A.R.T., une armoire grillagée leur est dévolue au 1er sous-sol. C’est encore le temps où les régisseurs ou assistants-metteurs en scène déposent les relevés de mise en scène et conduites du spectacle à l’A.R.T. Mais cette coutume devient de plus en plus désuète et le Conseil d’Administration songe au projet d’une théâtrothèque audiovisuelle.
Ces premières années à la Bibliothèque historique n’iront pas sans difficultés d’aménagement et soucis de fonctionnement en raison de la modestie du financement de l’Association.
L’A.R.T. ne peut renouer avec sa tradition du Prix du Brigadier qu’en 1971, en saluant Jean Anouilh, auteur trois fois à l’affiche en cette saison théâtrale. C’est l’occasion d’une mini-exposition évoquant la carrière de ce grand auteur concoctée par Marie-Odile Gigou, Roger Lauran et Danielle Mathieu, ces derniers étant respectivement dans deux des théâtres affichant le récipiendaire qui reviendra chez lui, très heureux, par le métro, son brigadier en main, à la surprise des voyageurs. Ce sera la seule distinction acceptée par ce grand auteur.
Le rapprochement avec la municipalité fait un pas supplémentaire puisque c’est en présence du Président des Affaires culturelles et du Directeur des Beaux-Arts de la Ville de Paris que Bernard Haller reçoit le 18 décembre 1972 le Prix du Brigadier pour son spectacle Et Alors ? au Théâtre de la Michodière. Bernard Haller sera désormais l’un des plus fidèles des remises successives de ce trophée.
Monsieur de Saint-Rémy accepte l’idée d’une visite des élèves régisseurs de l’ENSATT, Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre, conduite par Marie-Odile Gigou, conservatrice, et Louis Le Coz, leur professeur et également secrétaire général.
Mais son rapport moral pour l’année 1973 est teinté de mélancolie et d’inquiétude pour le métier confronté à la crise et à la fermeture de plusieurs théâtres.
Néanmoins, le 25 octobre 1973, le baron Alexis de Redé, Président d’honneur des Amis de la Bibliothèque de l’A.R.T., reçoit les invités à la lueur des chandelles de l’Hôtel Lambert et remet le Brigadier à Rolf Liebermann, administrateur général de l’Opéra de Paris, pour sa présentation exceptionnelle des Noces de Figaro dans la mise en scène de Giorgio Strehler.
1974 : cette dernière année de la présidence de Jacques-Louis Antériou marque une période transitoire pour l’Association. Avant l’arrivée du matériel vidéo, obtenu grâce au Ministère des Affaires culturelles, il fallut envisager la mise en place de la théâtrothèque aux plans technique et administratif. Le Président Antériou confie à Serge Bouillon le soin de négocier avec les instances professionnelles l’autorisation de procéder à ces tournages. En premier lieu, la SACD, la SDRM et le Syndicat des Acteurs signent les accords en fin d’année. Il apparaît alors qu’un grand nombre d’autres organisations sont concernées et qu’il faut poursuivre les négociations.
Plusieurs essais techniques sont effectués au siège social puis au Théâtre La Bruyère, tentatives qui permettent de constater la multiplicité des mises au point nécessaires pour rendre opérationnel un matériel délicat, fort exigeant en réglages spécialisés, qui appelle chaque fois le concours de ses constructeurs. Le Conseil d’Administration nommera Louis Le Coz, -alors régisseur général du Théâtre Grammont et secrétaire général de l’A.R.T.- directeur de la théâtrothèque. Ainsi est née la première théâtrothèque, mais il faudra attendre deux ans pour qu’elle soit opérationnelle.
Serge Bouillon est élu en décembre 1974 Président de l’Association et à cette date, le Conseil est totalement renouvelé. Mademoiselle Ducoin prend une retraite bien méritée et décide, malgré l’amitié qu’elle éprouve pour les membres de l’Association, de disparaître et de couper les liens avec chacun d’eux. Un poste de télévision fait office de cadeau d’adieu. C’est Marie-Claire Laurent, ancienne collaboratrice de la Préfecture de Paris nouvellement retraitée, qui va la remplacer avec beaucoup de méticulosité et une grande gentillesse.